Elisabeth Badinter sous le feu des femmes-ministres et des anti-publicités
Élisabeth Badinter fait la promo de son dernier bouquin : Le conflit – La femme et la mère. Promo sur France-Inter, aux côtés de magazines comme Elle ou le petit nouveau bobo-branché Envy. Des magazines superficiels et lisses qui entérinent une grande tradition féminine, sûrement pas féministe. J’attendais mieux de France-Inter, comme par exemple d’inviter le magazine Causette.
Mais foin des mags, restons avec E. Badinter et son livre. Elle en parle dans un article du Monde de samedi 13 février. Son idée est que la maternité est de plus en plus sacralisée, que l’allaitement devient un devoir sans alternative, et que grossesses et maternages redeviennent ce qu’ils étaient avant les années 1970, c’est-à-dire avant les avancées féministes. Pour Badinter, c’est une régression. Elle y accuse un courant naturaliste, propagé par une écologie radicale et cite à cette occasion N. K.-Morizet qui préconise de laver les couches en tissu.
Sur le site Rue89, C. Duflot (elle aussi accusée par Badinter) et N. K.-Morizet répondent à la philosophe que « allaiter est une liberté ». Bof… pas tant que ça quand on sait que les marques de lait maternisé n’ont plus le droit d’offrir d’échantillons de leur produit dans les maternités et que la publicité pour Gallia sur les écrans TV nous dit expressément « Le meilleur lait… après le vôtre ! ». Donc pas de véritable choix, au alors avec la culpabilité qui va avec.
J’apprécie les idées de madame Badinter, mais ce qui m’a fait tout à coup reculer et reconsidérer mon adhésion sans faille, c’est d’apprendre qu’elle était la principale actionnaire de Publicis ! Vous imaginez la tonne de pubs sexistes qui vont à l’encontre de ses idées de progrès pour les femmes et qu’elle admet sans broncher ?! Lisez ses arguments sur la page de Rue89, elle y élude la question de façon pathétique. Elle ose même dire que « La publicité ne reflète que les stéréotypes sociaux. On peut aussi changer [ces stéréotypes, ndlr] avec une autre présentation » mais « ce n'est pas l'arme principale » pour lutter contre le sexisme ».
Bien sûr une partie de sa réponse est juste : la pub reflète bien les stéréotypes sociaux. Mais quelle est la place exacte des spots dans ces stéréotypes ? Cause, conséquence ? Est-elle un simple reflet en miroir, c’est-à-dire quelque chose de neutre, voire d’objectif ? On s’y verrait donc tel(le)s qu’on est ? Hum… heureusement que non, car les gentilles caricatures alternent avec les outrances, et parmi une montagne d’inanités et de clichés méprisants, on y trouve parfois des perles d’humour. Cela dit, si la pub n'est qu'un reflet, c’est que la cause du sexisme qui s’y affiche est ailleurs et qu’elle n’y est pour rien, la pauvre pub, si on n’a que des beaufs pour compagnons. Non, je proteste, ce serait quand même trop simple.
Je pense plutôt que la pub a un rôle crucial à jouer dans la perpétuation de certains mythes qui ont la vie dure. Elle n’est peut-être pas créatrice de ces mythes, mais elle en est un relais de propagande efficace. Ces mythes, s’ils n’étaient pas notre lot quotidien, risquent alors de le devenir très rapidement après quelques décennies de matraquage télévisuel.
Prenons l’exemple hautement symbolique de la publicité automobile. Dans les années 1950, on pouvait voir déjà des concours de beauté conjoints voitures-élégance féminine. Depuis, pas un iota de progrès n’a été fait. En 2009, les salons automobiles du monde entier nous présentaient toujours leurs dernières-nées affublées d’une jolie nénette destinée à émoustiller le client potentiel. Si quelques hommes raisonnables n’avaient pas, en 1950, envisagé l’automobile et la femme comme deux objets indispensables à posséder, il leur faudra beaucoup de constance et de sagesse pour continuer à ne pas l’envisager, alors que la pub automobile et les salons n’ont de cesse de l'entraîner sur le terrain du machisme, et ce depuis … 60 ans !
Je ne suis donc pas d’accord avec madame Badinter : elle minimise le rôle de la publicité dans le formatage des esprits. Mais on sait pourquoi : elle a vendu son âme féministe à Publicis.