Quand le télescope cache un observatoire
Le langage des journalistes peut décidément être très libre ou/et très abscons. J’en veux pour preuve cet article sur le site slate.fr, site d’informations et d’analyses, partenaire de slate.com, dont on retrouve certains articles traduits en français. Slate.fr a été fondé par Jacques Attali et Jean-Marie Colombani (directeur de publication du Monde de 1994 à 2007).
Sur ce site, je vois ce matin un article signé par Jean-Yves Nau, journaliste au Monde (encore !), article intitulé « La France va créer un télescope de la pandémie ». Bigre ! Qu’est-ce que cet engin vient faire en médecine ? La pandémie n’a tout de même pas déjà essaimé dans l’espace ? Trêve de plaisanterie, l’illustration choisie pour l’article me plonge dans la perplexité et ajoute à la confusion : il s’agit d’une image de l’univers profond prise par le télescope Hubble. Titre et illustration se situent en haut de l’article, mais en lisant on s’aperçoit bien vite qu’il s’agit d’un projet français d’« Observatoire » de la pandémie, comme il en existe pour la lecture, les inégalités ou l’habitat. Un organisme qui compile des données et en fait des synthèses. Un outil d’observation sociale, en quelque sorte. Le Robert Plus de 2007 donne comme définition de « Observatoire » : « Établissement destiné aux observations (astronomiques…) », les points de suspension montrant que la liste n’est pas exhaustive.
Le mot « télescope » a donc été mis pour « observatoire ». Pourquoi ? Fantaisie du journaliste ? Jean-Yves Nau écrit bien, et cette bévue ne ressemble pas à ce qu’il écrit par ailleurs. Je pense que, tout auteur qu’il soit, il n’a pas la maîtrise du titre, qui peut revenir à la rédaction. La seule allusion de J.-Y. Nau au télescope est en fin d’article : « [ce projet] resterait encore très largement en-dessous des investissements que les seuls Européens ont jugé nécessaires de réaliser pour explorer les étoiles et l’invisible de l’univers. ». Bizarre, ce mot, « télescope », aurait donc été mis là parce que les télescopes européens coûteraient plus cher que ce projet d'observatoire français de la pandémie ! Les cheminements des journalistes sont parfois vraiment tortueux !