L’objet du scandale : la voyance chez Guillaume Durand
Le fait est rarissime et méritait d’être cité. Dimanche 23 décembre 2008, en effet, Guillaume Durand a animé une excellente émission sur l’astrologie et la voyance. Excellente, car faisant une part notable aux sceptiques, qui, s’ils n’étaient que trois ou quatre (Gérard Miller, Jérôme Bonaldi, le mentaliste Viktor Vincent), ont eu largement le temps de s’exprimer. Il y avait une foule d’invités autour de l’animateur, ce qui a réduit le temps de parole de chacun et a provoqué de la dispersion, mais la diversité des opinions a émergé, et deux reportages critiques, usant de l’humour et de l’ironie ont agréablement rythmé l’heure d’émission. Le premier a même conclu « La clé de la voyance et de l’astrologie, c’est de ne jamais se mouiller ! »
Bien sûr c’est Gérard Miller qui a le plus âprement défendu la rationalité. Il a cité le laboratoire de Broch à l’université de Nice, il a mis en avant la manipulation mentale très présente dans la démarche des voyants. Il a expliqué l’effet Barnum, nom donné à notre propension à nous reconnaître dans tous les portraits de nous que dressent les astrologues, et qui font que tous les horoscopes sont les nôtres.
Pierre Lagrange, le sociologue des « parasciences », comme il aime à se présenter, était là aussi. Comme on pouvait s’y attendre, il nous a servi son discours relativiste : les scientifiques des siècles passés étaient tous des pratiquants d’alchimie, d’astrologie, de spiritisme. D’après lui, la voyance et l’astrologie n’auraient pas reculé face à la montée de la rationalité et de la science, mais évacuées par le politique et le social. Le XVIIIe siècle n’aurait eu qu’à enfoncer le clou. P. Lagrange montre ainsi qu’il croit en une linéarité entre science et croyances.
Autre invité : Michel Maffesoli, directeur de thèse de E. Teissier. L’objet du scandale, en l’occurrence que Maffesoli ait soutenu une astrologue qui, sous couvert de sociologie, revendique une position de science pour son art, n’a toujours pas été digéré par les rationalistes depuis plus de sept ans. C’est G. Miller qui rappellera la polémique et dénoncera avec vigueur le dévoiement du jury de la Sorbonne sur cette affaire. Mais Maffesoli a persisté : la thèse de Teissier était sociologique, le titre le prouvait.
Un mentaliste, Viktor Vincent, est venu faire sur le plateau une démonstration de lecture dans l’esprit, qui a troublé les participants. Il a insisté sur le caractère technique et stratégique de ses manipulations afin de montrer comment une croyance peut naître d’un tour de magie.
Claude Alexis, le célèbre voyant, s’est trouvé noyé sous les interventions des sceptiques et est resté très discret. Mais il faut dire que beaucoup de talent était nécessaire pour faire face aux arguments imparables d’un Gérard Miller, toujours en forme, qui a même osé s’opposer à Lagrange en lui disant : « Non, tout n’est pas en tout, la science n’est pas l’équivalent de la croyance ! ». Les débats ont été instructifs tout en restant courtois. G. Durand a, tout au long de son émission, posé les bonnes questions : « N’est-ce pas une vaste escroquerie ? » « N’est-ce qu’une manipulation ? ». Les deux mots de la fin.
Dessin de José Tricot